Le bonhomme des îles
Il était une fois, dans un petit village polynésien, des enfants qui n’avaient jamais vu la neige. Ils ne savaient pas ce que c’était parce que, dans leur pays, en décembre, il fait trop chaud pour que la neige tombe. Et si jamais elle était tombée, elle aurait de toute façon tout de suite fondu !Mais dans ce village, depuis de longs mois, les adultes avaient préparé une surprise pour les enfants. Et en cette veille de Noël, ils les avaient tous rassemblés sur la place, face à la mer, autour d’un buffet croulant sous les fruits, les fleurs et les friandises. Anaé ne voulait pas être la dernière du village à découvrir ce que les adultes avaient préparé pour eux et elle houspillait son grand-père :
- « Vite Papoune, on va tout rater ! »
Papoune avait souri, mais il n’en avait pas pressé le pas pour autant. Il connaissait le grand secret et il en riait d’avance de plaisir. Ses yeux noirs pétillaient de malice. Bordée de cocotiers et de flamboyants en fleurs, la place fut vite remplie par tous les enfants du village.
Un gros conteneur, orné d’un ruban de soie jaune, attirait la curiosité des gamins qui s’agglutinèrent autour. Le conteneur avait été déposé là durant la nuit, pendant que les enfants dormaient. Le chef du village, l’instituteur de la petite école et monsieur le curé attendaient sur une estrade que tout le monde fut en place. Après un chahut bien compréhensible, tant les enfants étaient pressés de découvrir le cadeau, le grand chef du village leva un bras pour faire silence. Il mit un porte-voix à sa bouche pour que tout le monde l’entende. Des « chut » fusèrent de toutes parts. On n’entendait soudain plus que le bruit des vagues à cause de la plage toute proche.
- « Voici le moment pour vous de découvrir le secret qui plane depuis plus d’un mois sur notre village. Vous allez être surpris et j’espère heureux de ce cadeau ! »
Il brandit alors un ciseau, descendit de l’estrade et s’avança vers le conteneur. Il coupa le ruban jaune qui s’affaissa à terre.
- « Maintenant, vous pouvez ouvrir les portes », déclara-t-il solennellement.
Des hommes tirèrent lentement sur les deux battants du conteneur réfrigéré. Aussitôt, les enfants se pressèrent pour en apercevoir le contenu :
- « Oh, oh ! », s’exclamaient les petits avec émotion.
Ce qu’ils apercevaient les laissait sans voix. Sous leurs yeux ébahis, une couche de neige d’une bonne cinquantaine de centimètres recouvrait le sol du conteneur et formait même un monticule au milieu. Et, juché sur le sommet du monticule, les enfants découvrirent un petit bonhomme de neige qui les regardait d’un air étonné. Les gamins n’en revenaient pas ! Ils n’avaient jamais vu de neige de leur vie et encore moins un bonhomme de neige. Le grand chef intervînt à nouveau avec son porte-voix :
- « Et oui, les enfants, c’est bien de la neige que vous voyez là. Ce bonhomme de neige a été confectionné spécialement pour vous par des enfants de l’autre côté du monde ».
La première surprise passée, des rires de plaisir jaillirent, des applaudissements de joie claquèrent et la confusion revînt. Anaé, qui se tenait au premier rang, écarquilla les yeux et regarda son grand-père en souriant. Comme tous les autres, elle était ravie.
- « Vous pouvez toucher et jouer avec la neige, elle est pour vous », clama l’instituteur à la ronde.
Les enfants bondirent vers le conteneur afin d’être les premiers à toucher cette substance si étrange. Anaé empoigna de la neige mais la rejeta aussitôt avec un petit cri :
- « Oh, elle est froide ! »
Grand-père se mit à rire de sa surprise.
- « Elle colle dans nos mains », s’exclama un petit garçon en sautant de joie.
- « On dirait de l’eau », s’étonna encore une petite fille désappointée en s’apercevant que la neige fondait sur sa peau toute chaude. Bientôt, des boules de neige volèrent. Anaé en reçut une sur le bout du nez et tomba à la renverse, sur les fesses. C’était son copain, Kadi, qui la lui avait envoyée. Elle se releva aussitôt et confectionna une boule qu’elle lui lança dessus en poussant un cri de joie. On aurait pu penser que des enfants n’ayant jamais vu de neige ne sauraient pas jouer avec, mais rien n’est plus faux. Il suffit qu’ils en aient à leur disposition pour trouver aussitôt les mêmes jeux.Personne ne voulut toucher au bonhomme de neige. A la tombée de la nuit, les enfants s’assirent sur le sol, face au conteneur, et attendirent patiemment que le petit bonhomme de neige disparaisse entièrement. Ils se rappelleraient longtemps de cette nuit un peu magique où l’hiver vînt jusqu’à eux. Ils engrangèrent des souvenirs inoubliables qui enchantent encore les discussions autour du feu, au fond des cases.
J’espère que ce conte vous a plu ….il y en aura encore quelques autres !