Tout est curieux dans » la version champêtre de la reine des fleurs »– et d’abord le nom latin : Rosa canina ou « rosier des chiens »; il ne vient pas de ce que nos amis à quatre pattes se prélassent volonters parmi les rameaux bardés d’aiguillons, mais de l’ancienne croyance selon laquelle la racine du végétal guérit la rage. S’il existe des dizaines d’espèces de roses sauvages (Marcel Proust vantait « la soie unie de leur corsage rougissant qu’un souffle défait »), celle-ci est la plus commune. On la trouve en épais nuages verts, dans les sous-bois d’ombre claire ou au coeur des haies confuses: c’est là qu’elle épanouit le mieux, entre des panaches de feuilles à cinq ou sept folioles dentées, les larges coupes de ses fleurs immaculées ou rose pâle, au creux tout frisotté d’étamines…..
Les feuilles de la plante, comme ses semences d’ailleurs, n’ont jamais servi que de succédané au thé: mais il n’est recommandé à personne d’essayer( à forte dose, lesdites semences exercent une action néfaste sur la moelle épinière et le coeur). Les pétales, en décoction ou en infusion, ont un léger effet laxatif. Mais de l’églantier, ce qu’il faut avant tout retenir, c’est d’une part le bédégar, et de l’autre le fruit.
L’éponge de rose, ou bédégar (le mot nous vient de Perse par le canal des plus grands médecins arabes), désigne cette sorte de tête chevelue pourpre vert, que l’on trouve à l’extrémité de certaines tiges, et qui est une galle due à la piqûre d’un insecte voisin de l’abeille(hyménoptère): le cynips de la rose. Il s’agit d’un excellent tonique , d’un astringent ( il hâte la cicatrisation des plaies et brûlures à bord décollé), d’un produit actif contre la sueur (il fait merveille en cas de fièvre), et d’un diurétique efficace (certains calculs urinaires même ne lui résistent pas). L’infusion et la décoction en sont simples à préparer, mais quelques phytothérapeutes en tirent aussi par distillation une eau propre à soigner les yeux malades.
Le fruit, ce globe ovoïde rouge-orangé que l’on récolte aux premiers frimas, est en fait, pour les botanistes, un faux fruit, comme la fraise, la framboise et la figue. On le baptise scientifiquement cynorrhodon, mais on lui préfère évidemment ses appellations populaires de gratte-cul, gargouillou ou gratte-chat. Il est tout empli de semences enrobées dans un charmant duvet argenté, que les joyeux drilles connaissent pour le meilleur des poils à gratter. Plaisanterie à part, le cynorrhodon se consomme en infusion, en décoction, en poudre, en sirop, en marmelade, en confiture ou en liqueur. Il est souverain contre les diarrhées, les crampes d’estomac, les nausées et les digestions difficiles. Aux qualités du bédégar ( tonique, astringent, actif contre la sueur et diurétique) il ajoute les siennes propres: c’est un vermifuge énergique; c’est aussi un laxatif et un dépuratif efficace( vidé de ses semences et conservé sec dans un lieu aéré pendant l’hiver, nul n’est plus propre que lui, au printemps, à nettoyer le sang des toxines de la mauvaise saison); c’est enfin, par son exceptionnelle richesse en vitamines (provitamine A ou carotène, vitamine C , vitamine D), un ami des yeux, un antiscorbutique de premier plan et un antirachitique.( 100 g de cynorrhodonscntiennent autant de vitamine C qu’un kilo de citron….)
Récolte
Cueillez les feuilles et les fleurs de l’églantier au printemps, les secondes lorsqu’elles sont encore en boutons. Vous trouverez certainement des bédégars en été. Pour les fruits, il vous faudr attendre la fin de l’automne et le début de l’hiver: c’est alors seulement qu’ils sont bien murs.
Préparation et emploi:
Infusion et décoction
de pétales: jetez une demi-poignée de pétales dans 1 litre d’eau bouillante. (3 à 4 tasses par jour.)
Infusion
de bédégar: jetez une poignée de bédégar dans 1 litre d’eau bouillate. (2 à3 tasses par jour.)
de cynorrhodons: jetez une poignée de cynorrhodons vidés de leurs semences et de leurs poils dans 1 litre d’eau; laissez 10 mn. (3 à 4 tasses par jour.)
Décoction prolongée
de cynorrhodons : jetez une poignée de cynorrhodons vidés dans 1 litre d’eau, et faites réduire de moitié (ou laissez infuser 1 heure). Diurétique très efficace. (Plusieurs fois par jour.)
Poudre
de cynorrhodons: râpez très fin les fruits vidés et desséchés. (Antiscorbutique: une petite pincée par jour.)
Sirop
de cynorrhodons: faites macérer l’écorce des fruits pendant 2 à 3 jours dans du vin rouge; passez et ajoutez une quantité égale de sucre; ne faites pas cuire, cela détruirait la vitamine C.
Marmelade
de cynorrhodons: cueillez les fruits après les premières gelées; ôtez les graines et le duvet; hachez menu; ajoutez un poids égal de sucre et brassez longuement; ici encore, toute la vitamine C reste intacte.
Confiture
de cynorrhodons: prenez des fruits bien mûrs, mais qui n’ont pas gelé; videz-les; coupez-les en petits morceaux; arrosez-les de vn rouge et laissez-les macérer 24 heures dans un endroit frais; pilez le tout au mortier; faites passer le mélange au tamis pour recueillir la pulpe; dès lors, pour 500 g de pulpe, comptez 750 g de sucre; faites cuire le sirop de sucre seul, et délayez-y la pulpe hors du feu, de façon à conserver le maximum de vitamine C; mettez en pots. (Préparée de façon « ordinaire », la confiture de cynorrhodons reste excellente au goût, mais perd trop de ses qualités médicinales.
Liqueur
de cynorrhodons: dans 3 litres d’eau-de-vie, faites macérer pendant 15 jours à 1 mois 1kg de cynorrhodons et 500g de sucre candi; fitrez et additionnez d’eau pure, selon votre goût. (Excellent tonique, recommandé particulièrement, à petites doses, aux personnes du troisième âge.)
Bains de pieds et de mains
comptez une poignée de plante par litre d’eau, soit de fruits, de pétales et de boutons (contre les calculs urinaires), soit de pétales et de boutons (contre les palpitations cardiaques, la tachycardie, la nervosité, les angoisses), soit de graines broyées (contre l’hyperacidité et les douleurs de l’estomac).